Sur les traces de Gustave Courbet en Saintonge
En juin 2019, j’ai eu le plaisir de visiter l’exposition consacrée à Gustave Courbet en Saintonge.
Le peintre séjourna dans la région de Saintes(17) fin mai 1862. Il devait y rester une semaine, il y restera un an.
Un premier livre (1973), de Roger Bonniot, Historien d'art et écrivain, relate cette période et remet en lumière les artistes-peintres présents dans la région de Saintes fin 19ème siècle.
Cette exposition est visitable au musée saintais de l’Echevinage jusqu'au 31 octobre 2019. Merci aux organisateurs de nous faire découvrir ce moment dans la vie d’un des précurseurs de l’impressionnisme.
Je me suis inspirée de l'expo et du livre acheté au musée pour faire cet article.
Le livre "Autour de Courbet en Saintonge" a été réalisé par Gaby Scaon, conservateur en chef des musées de Saintes, Jean-Roger Soubiran, professeur d'histoire de l'art contemporain, Maud Gradaive, Cécile Navarra-Le Bihan et la vile de Saintes.
Gustave Courbet arrive à Saintes fin mai 1862, accompagné du journaliste et critique d’art Castagnary. Ainsi que le Saintongeais Théodore Duret (né à Saintes le 20 janvier 1838, négociant en cognac ; c'est un républicain convaincu, fondateur en 1868 de La Tribune, où collaborent Émile Zola et Jules Ferry).
Là, les attendait un ami commun, Etienne Baudry
propriétaire du château de Rochemont, à Fontcouverte, (ville où habite Jean-Pierre et qui touche Saintes, et où je coule aujourd'hui des jours heureux).
Du jour de son arrivée au Chateau de Rochemont, la vie nouvelle qui s’offrit à Courbet fut pleine d’agréments. Dans une lettre, adressée à son amie Léontine Renaude en date du 4 juin 1862, Gustave Courbet écrivait : « J’habite seul ce château à dix minutes de la ville chez un ami charmant et sa maîtresse. Je suis en pleine félicité... ".
Gustave Courbet s’amusait beaucoup à Rochemont. Mais il y travaillait également beaucoup. " Je suis ici ", écrit Courbet dans une lettre, adressée à Jules Troubat, " à travailler comme un nègre. Je fais des femmes nues et des paysages dans le plus joli pays qu’on puisse voir... ".
En septembre 1862, Courbet quitta Rochemont pour rejoindre Port-Berteau, tout près de Saintes, sur la commune de Bussac-sur-Charente.
Le groupe de Port Berteau
Pradelles, Louis-Augustin Auguin, Jean-Baptiste Corot et Gustave Courbet forment l'éphémère « groupe du Port-Berteau » réuni en 1862-1863 pour peindre de concert en plein air, sur les bords de la Charente à Bussac-sur-Charente, des paysages d'inspiration naturaliste.
(photos éliane roi).
La région de Saintes voit ainsi la naissance d’un courant artistique baptisé « Ecole naturaliste de Port-Berteau » dans le courant des années 1860. Fondée par le peintre rochefortais Louis Augustin Auguin à Port-Berteau (commune de Bussac sur Charente), elle est rejointe en 1862 par les peintres Gustave Courbet, Jean-Baptiste Corot et Hippolyte Pradelles. Le 15 janvier 1863, ils proposèrent à l’hôtel-de-ville de Saintes une grande vente de 170 tableaux dont les bénéfices furent versés aux familles déshéritées. L’influence de cette école se fera sentir jusqu’au début du XXème siècle à travers les œuvres de Gaston Corbier, Albert Tibule Furcy de Lavault et Louis Cabié.
Gustave Courbet et Jean-Baptiste Corot y peignent simultanément deux « Vues de Saintes » au mois d’août de cette même année. Ces deux toiles représentent une vue générale de la ville vue du Nord, des champs et des forêts occupant le premier plan, tandis qu’en toile de fond apparaissent les clochers de la basilique St Eutrope et de la cathédrale St Pierre.
Après Rochemont, après Port-Berteau, Courbet, au moment du Nouvel An 1863, installe son atelier chez la famille Borreau, au deuxième étage, qu’on voit encore, du 25 rue Alsace-Lorraine (voir photo) – à l’époque 13 rue Porte-Aiguière-, tout près du musée de l'Echevinage qui présente l'exposition d'aujourd'hui. Il s’agit certes pour lui de préparer l’exposition qui va s’ouvrir et il travaille en hâte à une douzaine de tableaux ;
Mais la grande rencontre du peintre durant son séjour
est Laure Borreau, une femme de la moyenne bourgeoisie,
épouse d’un négociant réputé du centre-ville,
et mère de cinq enfants. Trois portraits de Laure
Borreau font découvrir de grands yeux sombres dans
un visage ovale, un air songeur et réfléchi. Courbet
fait aussi un portrait de Gabrielle, la fille de Laure,
qu’il appelle affectueusement Briolette.
Les rapports du peintre, amant de Laure, avec la famille Borreau
sont bons, ainsi qu'avec Jules, le mari ; il s’installe chez le couple à
la fin de son séjour, de janvier à avril 1863. Il gagne
surtout avec les Borreau des amis qui sauront ne pas
lui manquer dans l’adversité. Quand quelques années
plus tard Courbet sera jugé par un conseil de guerre
versaillais pour son activisme au sein de la Commune
de Paris, conseil qui l’accusera du déboulonnage de
la colonne Vendôme, Jules Borreau figurera avec
Baudry et Castagnary sur la liste des témoins de la
défense.
Les portraits qu’il fait de Mme Borreau, dont LA DAME AU CHAPEAU NOIR qu’il gardera jusqu’à sa mort (aujourd’hui à Cleveland) ne semblent pas expliqués par l’art seul…
Le salon des Refusés s’ouvre à Paris le 15 mai 1863 en marge du Salon officiel et expose, dans douze salles annexes du Palais de l’Industrie, 1200 œuvres d’artistes, à l’initiative de Napoléon III lui-même, qui jugeait le jury officiel trop sévère, ce dernier ayant refusé 3000 œuvres sur les 5000 qui lui furent présentées.
En 1867, voyant leurs tableaux toujours refusés par le jury du Salon, Auguste Renoir, Frédéric Bazille, Claude Monet, Alfret Sisley et Camille Pissaro signent une pétition pour le rétablissement d’un espace destiné aux refusés, mais en vain. Ils commencèrent à envisager de tenir leur propre exposition. En 1868, Charles-François Daubigny, alors membre du jury, est leur allié. Son plaidoyer obstiné permet aux futurs impressionnistes d'être enfin acceptés au Salon de 1868.
La réaction négative du public fait l'objet d'un chapitre de L'Œuvre d'Émile Zola, roman de la série des Rougon-Macquart, construit autour de la vie du peintre Claude Lantier, où la sympathie de l'écrivain, ami de Paul Cézanne, était acquise aux « paysagistes » qui allaient devenir les Impressionnistes. Ce Salon est l'une des illustrations de l'émergence, dans la seconde moitié du XIXe siècle, d'une modernité artistique, en opposition avec le goût officiel.
Après 1863, et par abus de langage et conséquemment à ce salon, d'autres expositions regroupant des « refusés » eurent lieu à Paris en 1864, 1873, 1875 et même 1886
Courbet prend une part active à l'épisode de la Commune de Paris à partir du 18 mars 1871. Après les élections complémentaires du 16 avril 1871, il est élu au conseil de la Commune par le 6e arrondissement et délégué aux Beaux-Arts. Le 17 avril 1871, il est élu président de la Fédération des artistes. Il fait alors blinder toutes les fenêtres du palais du Louvre pour en protéger les œuvres d’art, mais aussi l’Arc de Triomphe et la fontaine des Innocents. Il prend des mesures semblables à la manufacture des Gobelins, et fait même protéger la collection du républicain Adolphe Thiers. Il siège à la commission de l'Instruction publique et, avec Jules Vallès, vote contre la création du Comité de salut public, en signant le manifeste de la minorité.
Élu républicain, acteur de la Commune de Paris de 1871, Gustave Courbet est accusé d'avoir fait renverser la colonne Vendôme, et condamné à la faire relever à ses propres frais. Exilé en Suisse, il entretient des contacts épistolaires suivis avec sa famille, ses amis parisiens, et continue d'exposer et vendre ses œuvres. Malade, il meurt épuisé, trois ans avant l'amnistie générale, âgé de 58 ans.
"Je me suis constamment occupé de la question sociale et des philosophies qui s'y rattachent, marchant dans ma voie parallèlement à mon camarade Proudhon. (...) J'ai lutté contre toutes les formes de gouvernement autoritaire et de droit divin, voulant que l'homme se gouverne lui-même selon ses besoins, à son profit direct et suivant sa conception propre". (Extrait d'un discours de Courbet).
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