La rue Jacques Henry
Depuis que j'habite à Laleu -ancien village rattaché à La Rochelle-, quartier calme de La Rochelle, aux venelles fleuries de roses trémières, je me demande qui était Jacques Henry, le nom de ma rue. Mes recherches sur Internet ont été fructueuses ; il était dans le camp des bons, La Rochelle étant une plateforme protestante depuis la nuit des temps, même si la religion n'a jamais réussi à m' intéresser (pas plus que la météo). Ce nom ne date pas d'hier (16ème siècle) mais fait partie intégrante de l'Histoire de La Rochelle, hélas dans la période des guerres de religion (les humains vivront-ils un jour en Paix ?), ville qui m'a accueillie un certain juillet 1978 :
Jacques Henry est l'ancêtre de Jacques Henri de Cheusse, dernier seigneur de Rochefort.
Jacques Henry, sieur de Monsidun et de la Maisonneuve, mort en 1584, était maire de La Rochelle, place de sûreté protestante pendant les guerres de Religion au XVIe siècle.
1573. Le massacre de la Saint-Barthélemy (ordre d'exécuter les chefs huguenots présents à Paris à l'occasion du mariage de Marguerite de Valois et d'Henri de Navarre, en août 1572) a porté un coup dur au protestantisme, mais n'avait pas eu les résultats espérés par le parti Catholique. Le calvinisme, qu'on voulait anéantir, se releva furieux : le désespoir et la colère avaient doublé les courages. La Rochelle s'insurgea et se prépara à une vigoureuse résistance sous son maire Jacques Henry.
Il n'y a malheureusement pas d'image, d'illustration, concernant le portrait de Jacques Henry.
Remontons le temps :
Jacques Henry, cinquième du nom, est le fils de Jacques Henry et de Marie Yvon, dame héritière de Cheusse, fille de Paul Yvon, sieur de Lauzière, de Laleu et de Cheusse à Sainte-Soulle, calviniste, maire de La Rochelle. Il descend de Jacques Henry, maire de La Rochelle lors du siège de 1573.
Il a deux sœurs : Élisabeth Henry de Cheusse qui épouse en 1653 Louis Herbert, seigneur de Grandmont, Bellefont et La Garenne, et Madeleine Henry de Cheusse qui épouse, le 2 novembre 1655 à Saint-Soulle, René de Culant, marquis de Ciré.
Il se marie vers 1660 à La Rochelle avec Renée de Loseré, dame héritière de Rochefort, fille de Gédéon de Lauzeré, seigneur de Rochefort, et de Renée Thévenin.
Jacques Henri, écuyer, seigneur de Cheusse, fut le dernier seigneur de Rochefort.
Jacques Henri, seigneur de Cheusse, qui possédait aussi Laleu, la Jarrie et Fronsac fut exproprié de ses terres rochefortaises par Colbert en 1666 moyennant 50 000 écus qu'il ne touchera jamais. La Seigneurie de Rochefort avait été donnée par Henri IV à son premier valet de chambre, Adrien de Lozéré, dont la petite-fille épousa Jacques Henri de Cheusse.De confession huguenote, il était inconnu à la cour et donc facilement expropriable, contrairement aux Rohan, qui avaient refusé de vendre, et aux Mortemart qui en demandaient une trop forte somme. Pourtant Colbert aurait préféré installer l'arsenal plus près de l'embouchure de la Charente.
Colbert a choisi Rochefort pour y édifier un arsenal, un port sur la Charente et une ville.
Le musée national de la Marine de Rochefort est installé dans l'hôtel particulier qui a conservé le nom d'hôtel de Cheusse.
Après l'expropriation, une partie de la famille partit aux Provinces-Unies, puis au Suriname, donnant plusieurs gouverneurs de province sous le nom de Henry de Cheusse, tandis que l'autre partie demeure toujours en France sous le nom de Henri.
Sa fille Madeleine épouse, le 2 novembre 1655 à Saint-Soulle, près de La Rochelle, René de Culant, marquis de Ciré.
La famille Henri a été maintenue de noblesse du premier septembre 1667 et subsiste toujours en Vendée, à Fontenay-le-Comte. Armes de la famille Henri, anciens seigneurs de Cheusse (d'après l'Armorial des familles nobles du Poitou, par Jacques-Xavier Carré de Busserolle) : d'azur, à trois épis de blé d'or.
Revenons à Jacques Henry, du nom de ma rue :
C'est pour profiter du désarroi qui règne chez les protestants, que le roi et la reine-mère Catherine de Médicis entendent soumettre définitivement les protestants à leur autorité. Leur cible est La Rochelle, ville de tête du protestantisme français.
Vers le 10 décembre 1573, le maire reçoit une dénonciation de la part d'un gentilhomme qui avait dû se faire catholique lors de la Saint-Barthélemy et qui faisait partie de la suite de Guy de Daillon, comte du Lude, l'avisant d'une conspiration dirigée par le sieur de Grandfief pour livrer la ville au roi. Le maire fait arrêter plusieurs citoyens, protestants et catholiques, qui sont exécutés après avoir fait leurs aveux ; Grandfief est tué lors de son arrestation. Agrippa d'Aubigné, dans son Histoire universelle, dit qu'il n'y avait que de faibles présomptions contre les accusés, qu'ils n'ont parlé que sous la torture et se sont rétractés avant leur exécution.
Après la mort de son successeur et de ses deux co-élus, il reprend la fonction de maire pour finir le mandat de ces derniers.
Sa sœur Françoise avait épousé Jacques Guiton, sieur de La Valade, échevin de la ville, élu maire en 1575 ; leur fils, Jean Guiton, sieur de l'Houmeau, est élu maire de La Rochelle en 1584 ; il est le père de Jean Guiton, maire lors du siège de 1627.
Des auteurs locaux relatent les actes de bravoure des femmes de La Rochelle pendant le siège de 1573 : Pierre de Bourdeille dit Brantôme, dans son célèbre livre "Les Dames Galantes", et Louis-Etienne Arcère dans son Histoire de la Ville de La Rochelle et du Pays d’Aulnis (1756).
« Ah comme elles sont belles, les femmes de La Rochelle, dans leurs beaux vêtements blancs en fine toile de Hollande...! et, comme l’écrit Brantôme, "les belles & honnestes Dames aiment les vaillants Hommes, les braves Hommes aiment les Dames courageuses."
On signale aussi une version romancée de cet épisode par Eugène Sue, dans "Les Mystères du Peuple, ou Histoire d’une famille de prolétaires à travers les âges" - Tome 9 - Paris - 1865.
L’auteur donne comme source le journal rédigé pendant le siège par un certain Antonicq Lebrenn, habitant de La Rochelle. Fiction de romancier ou réalité ? Cet Antonicq Lebrenn n’est mentionné que par Eugène Sue.
Le conseil de ville s'est réuni en séance solennelle, sous la présidence du maire Jacques Henry, épuisé, presque mourant de ses fatigues, de ses blessures, mais soutenu par son énergie républicaine, s’étant battu sans relâche.