4 Décembre 2022
Nous savons que les norias ont 2000 ans. Jusque dans les années 1940, les historiens attribuaient la création des norias de l’Oronte à Hama, en Syrie, à un ingénieur syrien du XIIIe siècle, un certain Qaysar.
Pourtant, les norias, si vieilles, peuvent être nabatéennes, araméennes, romaines, puniques, et pourquoi pas indiennes…
Depuis toujours, la possibilité de puiser l’eau du fleuve pour irriguer ou alimenter les villes a mobilisé l’homme et son ingéniosité. Dans l’aire méditerranéenne, cet enjeu-là était vital. De nombreux systèmes hydrauliques y ont été inventés. De la vis d’Archimède aux norias de courant de Hama, de multiples machines hydrauliques jalonnent la recherche pour dompter l’eau. Il faudrait évoquer les montoirs, instruments de levage essentiels, dont la mise en œuvre était particulièrement éprouvante, les norias à manège, très répandues tout autour de la Méditerranée, qui ont pris, selon les pays, des noms différents, norias de sangre en Espagne, garraf au Moyen-Orient, saqiya en Égypte et au Maroc, mais aussi le tambour spiralé, la chaîne à godets, la roue à aube…
Les norias de courant, en un seul élément, conjuguent avec grâce les conditions nécessaires à leur fonctionnement. Et, comme elles ne nécessitent pas d’effort humain ou animal pour fonctionner, elles sont en osmose parfaite avec le fleuve.
On le sait, le terme « noria » définit l’ensemble de la structure : l’aqueduc et la roue. Les maçonneries sont construites pour durer et traverser les siècles. Elles sont composées d’une digue, d’un canal d’amenée, d’une tour, d’un triangle et d’un aqueduc. La roue est la partie la plus éphémère.
Les roues de l’Oronte avaient une structure tout à fait spécifique, à la fois complexe dans sa composition et simple dans sa mise en œuvre. Intégralement en bois, leur assemblage reposait sur un judicieux système d’emboîtements et de cales qui, gonflé d’eau, se renforçait au fur et à mesure de la rotation de la roue. Ainsi, immergée dans l’eau et mue par la force du courant, la roue se mettait en marche, ses godets chargeaient l’eau puis la reversaient dans l’aqueduc dont le canal se répartissait ensuite à travers les jardins. Le moyeu de la roue en était la pièce principale et la plus lourde. Il reposait sur des coussinets de bois placés sur la fenêtre de la tour d’un côté et sur le triangle de l’autre côté. Le moyeu était enserré dans un ensemble de madriers sur lesquels on fixait les bras principaux et les bras secondaires. Un premier cercle intérieur venait solidariser les bras entre eux. Puis, sur le cercle extérieur étaient fixés les planches radiales, les pales de propulsion et les godets. Pour restaurer une roue, il suffisait de fermer les vannes et de l’immobiliser. On pouvait ainsi changer n’importe quelle pièce de la roue, des pales au moyeu.
Le long de l’Oronte, de tout temps, on pouvait admirer ces perles d’un long collier de verdure, les jardins. Leur présence offrait à l’homme les céréales et les légumes dont il avait besoin pour vivre. Jardins utiles et féconds avant tout, ils se composaient de vergers où étaient cultivés noyers, néfliers, abricotiers, grenadiers, amandiers, figuiers et vignes.
Les norias syriennes de Hama, si fragiles, aujourd’hui disparues pour ainsi dire, étaient à ce titre uniques au monde. Les grandes roues du fleuve Oronte s’élevaient pour certaines jusqu’à 21 m de diamètre, et pouvaient distribuer, pour les plus grandes d’entre elles,
50 litres d’eau par seconde, soit environ 200 m3 par heure, et irriguer jusqu’à 75 ha de jardins.
Il reste la mémoire, vitale pour notre vision de l’avenir. La mémoire de ces grandes roues qui, depuis 2000 ans, dans ces paysages qui n’ont pas varié, dessinaient un parcours prestigieux. Et cette certitude que, depuis l’Antiquité jusqu’à l’ère industrielle, elles ont assumé avec brio leur rôle d’intermédiaire entre le fleuve et la terre.
Sources : Fédération des moulins de France.