14 Février 2021
« Le plus court chemin d’un point à un autre est exactement le même dans le sens inverse ».
Pierre Dac est né à Châlons-sur-Marne, comme Cabu. Et comme le général Massu.
« Quand on a rien à perdre et tout à gagner, on s’arrange toujours pour y perdre quand même quand même quelques chose ».
Pierre Dac a tout fait : été gravement blessé à la guerre de 14, puis couru les cabarets comme chansonnier, changé de nom (il s’appelait André Isaac, le patron de La Vache Enragée l’a rebaptisé Dac, vu que ses chansons parlaient d’actualité), vite connu le succès populaire, inventé –à l’initiative de Jacques Canetti- l’humour radiophonique dès les années 30, avec notamment « La Course au trésor », créée en 1938, « L’Os à moelle », un hebdomadaire satirique et antifasciste.
« Tant que l’espoir demeure au niveau de l’espérance, il n’y a pas lieu de désespérer ».
11 juin 1940 : Pierre Dac est averti par Henri Jeanson, du « Canard », qu’il figure sur la liste de ceux que la Gestapo va arrêter dans les quarante-huit heures. Traqué, « dans la crainte constante d’être interviewé par les reporters de l’Ordre nouveau », il file en zone libre, cherche à rejoindre Londres, est arrêté de l’autre côté des Pyrénées, se retrouve en prison à Barcelone, puis à Perpignan, réessaie, refait de la prison, plusieurs mois en tout, arrive enfin à Londres.
Il cloue notamment son bec à Philippe Henriot, qui, au micro de Radio-Paris, disait de cet « apatride » : « La France, qu’est-ce que ça peut bien signifier pour lui ? » . Dans le fameux « Bagatelle sur un tombeau », Pierre Dac lui rappelle simplement que son frère, tué en Champagne, repose au cimetière du Montparnasse, à Paris, sous l’inscription « Mort pour la France, à 28 ans »
« Psychose toujours tu m’intéresses ». 1951 : « Sans issue », écrit et joué avec son complice Francis Blanche, triomphe aux Trois Baudets. Y figure « Madame Arnica », la première version du « Sâr Rabindranath Duval ». « Le Schmilblick des frères Fauderche est rigoureusement intégral, en ce sens qu’il peut à la fois servir de Schmilblick d’intérieur, grâce à la taille réduite de ses gorgomoches, et de Schmilblick de campagne, grâce à sa mostoblase et à ses deux glotosifres, qui lui permettent d’urnapouiller les istioplocks, même par les plus basses températures ». C’est en 1951 que Pierre Dac invente le Schmilbick, dont Guy Lux puis Coluche firent ensuite l’usage que l’on sait.
« La devise du vrai politicien, c’est « bon à tout, propre à rien ».
1965 : après avoir fait se bidonner des années durant les auditeurs d’Europe 1 avec « Signé Furax », Pierre Dac fonde un parti politique, le MOU, Mouvement Ondulatoire Unifié, et se présente à la présidentielle. Un coup de fil de l’Elysée l’y fait renoncer.
« L’esprit de l’escalier est celui qui manque une marche dans celui de l’à-propos pour se retrouver au sous-sol de la réplique manquée ».
L’humour dit loufoque de Pierre Dac est tellement indéfinissable qu’il l’a défini ainsi, en gros et dans le détail prenez le non-sens anglo-saxon, ajoutez-y cinq mille ans d’humour juif à forte teneur d’autodérision, vous pourrez démontrer par l’absurde tout ce que vous voudrez.
Bref, Pierre Dac était beaucoup plus libre, héroïque, inventif et moderne que ce qu’on croyait !
Jean-Luc Porquet
Le Canard Enchaîné du 28 octobre 2020.