25 Septembre 2018
Le 13 mai 1968, une grève nationale de solidarité condamne la répression gouvernementale contre les étudiants et enseignants. Quatre jours plus tard, c'est l'explosion de mai.
Commence alors une des plus longues grèves que Saintes ait connues. Chez les CHEMINOTS, elle va durer du 17 mai 20 H au 6 juin 4 H.
A partir du 17, l'activité de la ville est réduite à un minimum. Les ENSEIGNANTS, les EMPLOYES, les HOSPITALIERS, les gars du BATIMENT, de l'EDF, des PTT, de la COOP, de SINGER, etc. sont massivement impliqués. D'imposants défilés envahissent les avenues, des réunions se tiennent au Terrain Blanc le 23 mai. Tous les syndicats sont dans l'action. Le Mouvement de défense des exploitations familiales agricoles (MODEF) apporte son soutien.
Les luttes des enseignants revêtent une grande originalité ; le centre post-scolaire de la rue Geoffroy-Martel est transformé en lieu permanent de rencontres entre enseignants, ETUDIANTS, PARENTS d'ELEVES. Des colloques animent les recherches d'une nouvelle organisation de l'enseignement, de la pédagogie. Pour les travailleurs, la ville prend un air de fête. C'est le temps "où l'on ouvre les fenêtres de son cœur".
Le 30 mai, le général DE GAULLE menace d'employer l'armée "qui se trouve moralement et matériellement intacte derrière le chef de l'état".
C'est la fin de la REVOLUTION de MAI. Les acquis, lors des négociations de Grenelle, seront importants et quelque chose aura changé en France.
"Certains travailleurs, les plus défavorisés, ont obtenu une revalorisation substantielle allant jusqu'à doubler leur salaire *. Par le biais des hausses, le gouvernement a évidemment voulu reprendre une partie des gains acquis par la combativité des travailleurs et c'est pourquoi il devient urgent d'œuvrer pour l'obtention de l'échelle mobile des salaires" (CA de l'UL CGT du 16 juin 1969).
Sources : Saintes plus de 2000 ans d'histoire illustrée - par la Société d'archéologie et d'histoire de la Charente-Maritime (2001).
* les accords de Grenelle ont entraîné une augmentation de 30 % du smig et de 10 % pour la plupart des salaires.
Témoignage de Pierre Morange, cheminot à Saintes et militant syndical CGT en mai-juin 68 à Saintes :
"J'étais cheminot à cette époque ; les cheminots de Saintes ont fait partie des premiers en lutte avant tout le monde en France. Ce qui était formidable, c'était la solidarité entre les professions. Nous qui étions un petit peu en avance par rapport aux autres, on est allés aider les autres, qui n'avaient pas beaucoup de culture syndicale. On a fait un travail colossal et la plupart des petites entreprises a fait voter la grève. Vous avez connu la Maison Universelle ? c'était les Nouvelles Galeries. Le patron était au Chili auparavant, dans les mines de cuivre ; il négociait avec le révolver sur la table... On nous avait dit "faites attention, il sort le révolver quand il négocie". Ca nous a fait rire, on était jeunes, on n'avait peur de rien. Une autre anecdote : un patron qui se disait de gauche, ses ouvriers, pas contents, ils ont voulu débrayer, on est allés discuter ; on a discuté tellement fort qu'il est tombé dans les pommes ; on a cru qu'il avait fait une crise cardiaque !... mais, il s'est vite "refait". Les professions qui étaient dans la misère, par rapport aux cheminots, dans le bâtiment... y avait du travail mais pas beaucoup d'argent... Nous avons fait des choses formidables dans ces entreprises. Nous avons fait plus de 300 syndiqués pendant ces grèves de mai 68 dans le bâtiment. A l'époque, il y avait deux smigs ; le smig de "tout l'monde" et le smig agricole. Ce smig avait doublé suite aux accords de Grenelle. Le double ! ça compte, quand même ! ils ont pu s'acheter plus de pommes de terre et de beafteacks ! Pour ce qui est des comités d'entreprise, ils n'existaient pas avant. Les gens pensent que ça a toujours existé, que c'est "tombé comme les cheveux sur la soupe" ; mais... c'est pas tout à fait ça. C'est nos grèves de mai 68 qui ont permis ça. Une autre anecdote : le premier jour de la fin de la grève, le facteur passe à la maison et m'indique que j'étais reçu au concours de professeur d'enseignement technique. J'étais crevé. "comment j'vais faire pour passer l'oral ?"... J'ai pris huit jours de congé pour dormir..................................... On luttait pour des tas de choses, pas seulement pour les salaires. On luttait ici aussi pour Sud Aviation, à Rochefort et à La Rochelle. On a failli pas pouvoir aller à La Rochelle car les CRS étaient partout. On a réussi quand même à y aller, on a eu droit aux lacrymogènes... ça fait mal, les lacrymogènes ! Les étudiants ont pris la lutte en cours. S'il n'y avait pas eu toutes ces luttes avant, ça n'aurait pas marché. Rien ne vaut le dialogue entre copains, c'est mieux que les ordinateurs. Et aujourd'hui, que reste-t-il de la solidarité ? J'ai été militant CGT toute ma vie et je suis encore de ceux qui manifestent dans les rues de Saintes.
Venez plus nombreux, il y a toujours des choses à défendre, à gagner......".
Propos extraits de la vidéo et photos Eliane Roi et Jean-Pierre Coquard
le 5 mai 2018 lors du débat public sur le cinquantième anniversaire de mai-juin 68
à l'Union Locale CGT de Saintes.